• dépôt de plainte de la famille

    Le 2 novembre 1999 à 1h45

    Jacques Mesrine: ni fleurs ni justice. L'instruction sur les conditions de la mort du truand en 1979, ouverte après le dépôt d'une plainte de la famille, n'a toujours pas abouti.

     
     
    Par VITAL-DURAND Brigitte

    Vingt ans après la mort de Jacques Mesrine, mitraillé par la police

    antigang le 2 novembre 1979, l'instruction judiciaire sur les conditions de la mort du célèbre truand n'est pas encore achevée. Il n'y aurait pas eu d'autopsie, pas d'expertise balistique, pas d'auditions des auteurs de la fusillade ni d'aucun des témoins. Le dossier Mesrine ne contiendrait qu'un seul élément: le procès-verbal des déclarations de Robert Broussard, qui n'est guère couvert par le secret de l'instruction, puisque le commissaire a livré sa version des faits au public, dans des Mémoires édités chez Plon en 1997.

    Et pourtant, une ordonnance de non-lieu devait être prononcée en fin de semaine dernière par un juge d'instruction parisien qui a hérité du dossier. Cette ordonnance du juge devrait clore la plainte contre X avec constitution de partie civile déposée le 12 novembre 1979 pour «assassinat» par Sabrina Mesrine, l'un des trois enfants de Jacques Mesrine, et par sa mère, Fernande Buvry, épouse Mesrine, décédée depuis. L'avocate de Sabrina, Martine Malinbaum, a annoncé qu'elle a fait immédiatement appel au non-lieu: «Je ne désespère pas de savoir qui est responsable de l'événement, qui a pris cette décision, pourquoi il y a une volonté de taire ce que l'Etat pense avoir fait légalement.» Sabrina Mesrine, 38 ans aujourd'hui, voudrait, selon Martine Malinbaum, «qu'ils reconnaissent qu'ils ont assassiné son père».

    Souricière. Il n'y a pourtant aucun mystère sur les conditions de la mort de l'homme qui était alors le plus recherché sur le territoire pour meurtres, attaques à main armée, tentatives de meurtres sur des agents de la force publique, évasions, kidnapping, en France et au Canada. La souricière tendue par les policiers, placés sous les ordres du commissaire Robert Broussard, s'est déroulée en plein jour, sur une place publique du XVIIIe arrondissement de Paris, et sous les yeux de nombreux témoins. La police a fourni ses explications avec une rapidité exemplaire. Alors que la mort de Mesrine a eu lieu vers 15 heures, une conférence de presse est donnée au ministère de l'Intérieur à 18 h 30, à peine quatre heures après la fusillade. Le directeur central de la police judiciaire, alors Maurice Bouvier, ne tergiverse pas: «Nous savions que Mesrine était armé, qu'il possédait notamment deux grenades défensives, et nous ne pouvions pas prendre le risque de le laisser tirer sur la foule ou sur nous. C'est pourquoi nous avons ouvert le feu les premiers.»

    Dossier enlisé. La police avait «fait son travail». L'avait-elle bien fait au regard de la loi? L'embarras de la justice à dire le droit dans cette affaire spectaculaire est manifeste. Le dossier judiciaire est enlisé dans les dédales du palais de justice de Paris, errant si bien d'acte de procédure en acte de procédure, que la prescription de dix ans en matière criminelle n'a jamais été prononcée.

    Un mois après la mort de Mesrine, le 5 décembre 1979, le procureur de la République se demande s'il faut instruire le dossier à Paris, étant donné que les personnes susceptibles d'être inculpées étaient des officiers de police judiciaire, ce qui aurait nécessité le dépaysement de l'affaire dans une autre juridiction. C'est le début d'interminables allers-retours entre le parquet, la chambre d'accusation, la Cour de cassation et un grand nombre de juges d'instruction. Au total, sept magistrats se sont vus successivement chargés d'instruire le dossier, y compris la dernière juge qui devait ordonner le non-lieu. Mais, comme dit Me Malinbaum en justifiant son appel: «L'état de légitime défense permanente invoqué par le procureur de l'époque tout au début de l'instruction doit être vérifié. Comment peut-on clore le dossier alors que l'affaire n'est toujours pas instruite?»

    Pas d'autopsie. Selon l'avocate, les quelques actes d'instruction, datés de 1996, 1997 et 1998 ­ effectués notamment par le juge Stéphan, avant-dernier à être chargé d'enquêter ­ ont été annulés en janvier 1999 par la cour d'appel, pour des raisons de procédure. Le PV de l'audition de la compagne de Jacques Mesrine, Sylvie Jean-Jacquot, principal témoin des faits, blessée ce jour-là, a ainsi disparu du dossier. Pour le reste des pièces de l'information, Marine Malinbaum explique que l'autopsie du corps de Mesrine n'aurait jamais été demandée. Que les quatre policiers qui ont tiré sur le truand n'auraient pas été identifiés par la justice. Qu'il n'y a pas eu de demande d'examen des grenades défensives. Et que «plus le temps passe, plus l'instruction est difficile».

    La BMW criblée d'impacts de balles est entreposée dans les scellés judiciaires à Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), où les amateurs attendent patiemment qu'elle soit vendue aux enchères.


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